Kinshasa « Morte » sauf la Salle de l’Hôtel Beatrice?


Tout Kinshasa a semblé observer la journée ville morte décrétée par l’opposition. Elle a été décrétée comme une réponse à la convocation des travaux du Comité Préparatoire du Dialogue Politique National Inclusif par le Facilitateur Edem Kodjo. L’opposition qui est devenue célèbre en « démobilisation », elle exige toujours la démission du Facilitateur pour de raisons qu’elle considère comme preuves caractérisant la partialité de cet ancien Premier Ministre Togolais. Elle a pu tout de même convaincre les Kinois qui, en majorité, ont décidé de timidement sortir ce 23 Aout 2016.

Cette Journée Ville Morte est la deuxième décrétée sans travail dans Kinshasa dans un intervalle de quelques mois. Toutefois, il est encore difficile de comprendre le degré de conviction pour ceux qui ont observé cette journée « morte ». S’agit-il de la capacité des opposants de mobiliser la population Kinoise ou simplement de créer un climat de peur qui constituerait une stratégie de démobilisation ? L’avenir proche nous en dira plus.

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Alors que Kinshasa était en quelque sorte paralysée, la vie a connu son cours normal dans la salle de l’Hôtel Beatrice, près de la Gare Centrale où se tenaient les cérémonies d’ouverture de travaux du comité préparatoire. Tout en se félicitant de cet « avènement » longtemps reporté, le Facilitateur a déclaré dans son mot de circonstance que les portes restent ouvertes pour les opposants qui voudront rejoindre. Entouré de l’ensemble du groupe de soutien à la facilitation qui avait été exigée par l’opposition, l’ouverture de ces assises pour Edem Kodjo a constitué un pas géant vers la réalisation de sa mission. Il croit et est confiant que revenir à la raison est encore possible pour ces opposants qui hésitent encore.

Ces travaux préparatoires pourront prendre fin ce samedi 27 Aout afin de baliser le chemin au dialogue proprement dit. Le dialogue en soi est prévu dans un format réduit et ne durera qu’au plus deux semaines. Tout au plus 200 participants, repartis en 4 grandes catégories; 68 pour la majorité présidentielle, 68 pour l’opposition, 39 pour la Société Civile et enfin 25 représentant les diverses personnalités politiques. On peut espérer qu’avant la première quinzaine de Septembre, ces assises auront déjà rendu ces résolutions disponibles. Ces résolutions doivent tomber avant la date du 19 Septembre ? Possiblement oui et ça aurait une signification politique.

Toutefois, les politiciens se bousculent toujours en vue d’être représentés aux travaux préparatoires qui n’ont que 3 jours encore. Qu’en sera-t-il lors du dialogue proprement dit ? Les membres de la société civile se contestent mutuellement. La voie de jeunes doit aussi être entendue car ils représentent une force importante au sein de la société congolaise. Au besoin, si le format réduit ne le permet pas, leurs préoccupations doivent constituer une priorité. La jeunesse a besoin d’être embauchée, elle a besoin d’accéder facilement à l’éducation, aux soins de santé… Elle a besoin d’être activement impliquée dans la gestion de la chose publique.

Peut-on croire que tous ceux qui se bousculent sont guidés par ce souci d’intérêt public ? Croyez-moi, la réponse peut faire l’objet d’un débat sans fin. Si du moins la bousculade ait été le souci de nous servir, tous les dialogues organisés dans ce pays auraient largement changé nos conditions socio-économiques. Espérons cette fois-là que nos voies seront entendues et que l’avenir sera meilleur. J’en doute malheureusement!

Dans la salle de l’Hôtel Beatrice était absent l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, le MLC de Jean Pierre Bemba ou d’Eve Bazaiba, l’Ecide de Martin Fayulu, l’opposition Républicaine de Kengo wa Dondo (exigeant l’inclusivité) ainsi le groupe dit G7 conduit par Moise Katumbi. Etaient présents les partis de la Majorité Présidentielle, l’UNC de Vital Kamerhe sans possiblement son Secrétaire Général, Jean Bertrand Ewanga, les anciens compagnons d’Etienne Tshisekedi comme Samy Badibanga, Bruno Mavungu et Albert Moleka, les représentants de la Société Civile, le Front des démocrates de Jean-Lucien Busa ainsi que le G5 de Bitakwira-Ruberwa-Mbikayi… La liste n’est pas exhaustive mais telle est l’image qui se dessine. Il faut dialoguer avant qu’il ne soit tard?

L’inclusivité est loin d’être réalisée ce qui fait craindre que les mois à venir connaitra de confrontations probables. Ensuite, l’allure actuelle tend à polariser la participation et non-participation des acteurs politiques sur de bases d’appartenance linguistique ou régionale ? L’aspect fera l’objet d’un débat car nécessitant un approfondissement avec quelques éléments d’indication. L’apaisement des élections ne doit-il pas préoccupé nos dirigeants au même titre que nos conditions de vie ? Une nécessite s’impose toujours en vue de voir comment établir les mécanismes de distribution et de redistribution des richesses nationales. La pauvreté et l’inégalité restent insupportables.

NTANYOMA R. Delphin

Secrétaire Exécutif & Coordonnateur

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Causes d’Assassinat du Colonel Elias Byinshi Rubibi: Morosité & Inquiétude de la Communauté Banyamulenge


Le colonel Byinshi Elias Rubibi a été assassiné la nuit du 19 Aout 2016 à Nguba, dans la ville de Bukavu vers 23H, heure locale. Du fait de l’emplacement de sa résidence construite sur une pente comme il est le cas pour la plupart des maisons à Bukavu, sa voiture ne pouvait pas y accéder facilement. Il était tout le temps obligé de laisser sa voiture à quelques mètres de sa résidence, tout près du marché de Nguba. C’est juste à la sortie de sa voiture qu’il a trouvé ces assaillants qui l’attendaient pour l’abattre. Les circonstances de son assassinat font croire qu’il s’agit d’un assassinat bien ciblé et qui avait été monté pour en finir avec lui. Son corps sera inhumé dans sa dernière demeure ce mercredi, 24/08/2016, à Bukavu. Et l’opinion se demanderait pourquoi et quelles sont les raisons qui amèneraient à abattre cet officier supérieur des FARDC ?

  1. Historique & Passé Récent du Colonel Elias

Le Colonel Byinshi Elias Rubibi commandait un régiment des FARDC dans la Plaine de Rusizi lors le massacre de Mutarule qui ait lieu en date du 6-7/06/2014. Ce massacre inopiné avait culminé par une boucherie humaine qui emporta pas moins de 38 civils, enfants, femmes et hommes innocents. Les circonstances de ce massacre sont restées floues jusqu’à maintenant ; mais elles étaient largement liées au climat socio-ethnique de la Plaine de Rusizi. La Plaine de Rusizi est principalement habitée par les communautés Barundi, Bafuliro et Banyamulenge ; cet officier appartient à la dernière. L’avis du bloggeur sur ce massacre de Mutarule se trouve dans cet article (Cliquez sur ce lien).

L’enquête et les responsabilités dans le massacre de Mutarule ne sont pas encore bien déterminées ; et surtout le rôle des FARDC dans ce dossier macabre. L’inaction de forces de sécurité ainsi que celle de la MONUSCO qui étaient stationnés à quelques mètres du lieu de massacre n’est pas encore justifiée. L’inaction s’assimilerait à la dissimilation du rôle direct ou indirect ? A déterminer. Malgré tout, un procès judiciaire est récemment en cours ouvert dans la cité d’Uvira pour juger les quelques présumés militaires détenus par la Justice Militaire FARDC.

Dans le cadre de ce procès judiciaire, il se tient actuellement une audition de 6 militaires, principalement des officiers FARDC appartenant au Bataillon qui était basé à Mutarule-Bwegera lors de ce massacre. Durant ce procès forain, les avocats de la partie plaignante avaient exigé que le Colonel Elias soit interpellé car il exerçait les fonctions du Commandant Régiment qui avait sous son commandement le Bataillon de Mutarule. Son assassinat a vraisemblablement ses contours autour de ce dossier de Mutarule. Quelles sont alors les pistes possibles ?

Il est à rappeler que les investigations de l’Auditorat Général Militaire qui ont eu lieu en 2014 et qui ont conduit à l’arrestation de 6 prévenus avait innocenté le Feu Colonel Elias. Selon les sources proches du Feu Colonel, le fait de n’avoir pas été mis aux arrêts deux ans durant semblait confirmer que son rôle a été jugé moins direct. Et d’ailleurs, ce qui est analysé par les Medias comme étant son refus de comparaitre peut se circonscrire dans cette optique. Des négociations auraient eu lieu entre les intéressés pour mieux comprendre les nouvelles donnes dans cette affaire.

D’une manière claire, les négociations focalisent sur le fait de savoir s’il comparaitra comme prévenu ou témoin. Ces sources affirment qu’une brutalité de la part de la Justice et de la Hiérarchie Militaire au Sud-Kivu (33e région) avait accompagné ces négociations au point qu’elles craignent une main invisible tendant à tout prix à le faire incriminer. La main invisible n’était pas seulement motivée par la justice et sort des victimes. On la suspecte d’avoir joué au paiement de sommes d’argent afin que le massacre ait une forme ethnique. Dans l’immédiat, le dossier a pris un contour ethnique à la place d’être de la justice militaire. Et c’est probablement dans ce cadre que de percussions avaient été enclenchées l’année passée dans le seul village de Mutarule, tout en oubliant que de milliers d’armes—munitions sont disséminées dans la région.

  1. Représailles de la Communauté Bafulero ?

Tout en plaidant que la main invisible ne soit pas confondue avec toute une communauté ethnique, l’assassinat du Col Elias est perçue dans l’angle des règlements de compte. L’hypothèse première venant à l’esprit et la plus avancée par plusieurs observateurs serait que le Colonel Elias a été victime de représailles de la part de la communauté Bafuliro. Un grand nombre d’internautes utilisant les medias sociaux, et surtout ceux appartenant à la communauté Banyamulenge croient en cette hypothèse se basant sur la cohabitation politisée régnant entre les deux communautés. La politisation de la cohabitation ainsi que l’absence d’Etat ont toujours fait ces communautés en Plaine de Rusizi vivent dans une suspicion mutuelle.

Il me semble que, en dépit de créer un amalgame dangereux, cette hypothèse est la moins possible. Le bloggeur trouve difficile comment le Bafuliro dans l’ensemble pouvait décider d’assassiner le Feu Elias alors que ce procès est en cours. D’une manière particulière, on se demanderait l’intérêt qu’auraient les victimes de Mutarule dans l’assassinat de cet officier s’ils estimeraient qu’il a eu un rôle déterminant dans ce massacre. De surcroit, il parait que la partie plaignante avait obtenu gain de cause, c’est-à-dire, faire appel au Colonel Byinshi Elias, soit comme témoin ou prévenu.

A moins que certains acteurs et leaders d’opinions appartenant à la communauté Bafuliro aient complotés dans le massacre de Mutarule, chose invraisemblable, au point qu’ils aient cru que la comparution d’Elias mettre à nu leurs revendications. De surcroit, le bloggeur trouve moins convainquant qu’un membre de la communauté Bafuliro pouvait planifier un tel complot sans soucier de la présence de services de sécurité de la ville de Bukavu. J’estime que même la bénédiction de la grand-mère ne peut en aucun cas faciliter un tel complot visant à éliminer un officier supérieur sans appui de forces de sécurité. Nous ne sommes tout de même pas en Somalie.

Au cas où l’hypothèse de représailles est proche de la réalité, on pourrait plutôt voir ces mains invisibles de certains individus appartenant aux Bafuliro, qui auraient promis celles-ci et ayant travaillé inévitablement en connivence avec les éléments de force de sécurité. Sur paiement de sommes importantes d’argent, il peut être possible de manipuler les forces de sécurité, brandissant les « tokens » identitaires. On s’attendrait à une opération qui avait été planifiée depuis longtemps ; c’est-à-dire, depuis la veille de massacre ? Peut-être pas. Le fait son assassinat coïncide avec ces nouveaux développements dans le procès qui se tient à Uvira jette de doute l’hypothèse de règlement de compte datant de longtemps. Tout est possible.

L’hypothèse doit être sérieusement exploitée car, malheureusement, sa confirmation envenimerait la cohabitation déjà difficile entre les communautés Bafuliro et Banyamulenge. Sa confirmation doit partir de preuves bien établies afin d’en déterminer les mobiles et les responsables. Ses responsables doivent, dans le meilleur délai, être poursuivis pour éviter que la région sombre dans le cycle de représailles récurrentes. Craignant les conséquences qui en découleraient, si l’hypothèse était à confirmer, je tiens à rappeler que le règlement de comptes n’apporte jamais une solution durable. Voilà pourquoi les dirigeants du pays doivent s’atteler à la mise en place de mécanismes visant à rendre justice pour ne pas courir derrière les événements déjà envenimés. Et d’ailleurs, la gestion du dossier de Mutarule n’aurait jamais arrivé au point qu’on soupçonne qu’il y ait eu de représailles. La solution aurait été trouvée dès le début d’événements qui ont endeuillé la Plaine de Rusizi.

Photo Muturale_Grave
Martin Kobler s’incline aux tombes des victimes du massacre de Mutarule
  1. Responsabilité de la Justice & Hiérarchie Militaire de Bukavu ?

La première responsabilité de la hiérarchie militaire de Bukavu se situe dans les mesures qu’elle aurait prises pour protéger toutes les personnes. Moins juriste que je suis, je me dis toujours que la protection de « mis en examen ou du prévenu » incombe à la justice. La justice militaire ainsi que la 33e Région Militaire de Bukavu auraient fait de leur mieux pour éviter ce carnage. Le fait de n’avoir pas protégé le Feu Colonel Elias dans le contexte actuel prouve à suffisance qu’il y a dans son sein de disfonctionnements notoires. En plus de cela, l’observateur indépendant risquerait de prendre toutes les hypothèses incriminant les services de sécurité comme étant probables. Le fait de n’avoir pas protégé le Feu Col Elias ne ressemble pas à cette inaction dont on accuse ces forces de sécurité dans la Plaine de Rusizi ? La dernière n’a-t-elle pas de liens avec la première ?

Le rôle de la hiérarchie militaire du Sud-Kivu dans le massacre de Mutarule peut se situer à deux niveaux. Le premier serait leur incapacité à contrecarrer les incursions incessantes de miliciens Mayi Mayi qui ont, à maintes reprises, attaqué la Plaine de Rusizi. Ces incursions et attaques auraient possiblement conduit aux communautés (Banyamulenge, Bafuliro & Barundi) de recourir aux mécanismes d’auto-défense. Les forces de sécurité n’avaient-elles pas été prévenues de tous ces mécanismes d’auto-défense? A un certain niveau, ces incursions répétitives ainsi que les contestations identitaires ont une forme dépassant le champ d’action militaire. Telles ont été de raisons qui ont fait que la MONUSCO trouve la nécessite de sa présence en Plaine Rusizi. De ce fait, les responsables de services de sécurité dans la Province auraient mieux joué son rôle afin de laisser les politiques faire à son tour leur travail.

La deuxième responsabilité des forces de Sécurité se situe dans l’inaction durant tout le temps que Mutarule se faisait massacrer. Cette responsabilité est partagée entre les FARDC au premier plan ainsi que la MONUSCO, au second degré. Cette inaction ouvre la brèche à ceux qui croient que certains individus au sein de l’Armée Nationale avaient implicitement cautionné cette barbarie humaine qui s’est abattue sur les paisibles citoyens. Il est fort probable que ce deuxième aspect marquant l’irresponsabilité au sein de forces de l’ordre peut jouer un rôle déterminant dans l’assassinat de l’infortuné Col Elias. Il s’agit de le sacrifier au détriment de la Plaine de Rusizi et les victimes de Mutarule.

Par conséquent, il y a lieu de croire que son assassinat peut largement se situer dans le cadre de brouiller toutes les pistes qui conduiraient à déterminer cette responsabilité. Pratiquement, la comparution du Feu Col Elias aurait conduit à la détermination du premier responsable qui aurait pu intervenir afin de stopper le carnage de Mutarule ? Par la suite, les bourreaux ont décidé de le sacrifier pour leurs propres intérêts? Je n’en sais rien. Mais le souci de voir cette partie du pays vivre sa quiétude me laisser croire que rien n’est à exclure sur les motivations d’assassiner cet officier supérieur alors qu’il pouvait fournir certains éléments de réponse.

Peut-on imaginer que la responsabilité au niveau de la 33e région militaire pouvait ternir l’image de l’ensemble de forces de l’ordre au point que la décision d’abattre Elias ait été cautionnée au niveau supérieur ? Je n’y crois pas fermement. Au contraire, il y a possibilité que ceux-là qui se sentiraient concernés puissent profiter d’innombrables disfonctionnements que connaissent nos forces de sécurité en vue de se débarrasser de la personne qui pouvait peut-être exposer une partie de la réalité.

Et d’ailleurs, contrairement à ce qui a été relayé par certains Médias, d’indiscrétions affirment que le Colonel Elias ne s’opposait pas à la comparution mais plutôt à la qualité de prévenu. L’information est à prendre avec précaution car officieuse. Au-delà de son opposition de comparaitre comme le fait remarquer certains Médias, il m’est difficile de concevoir cette affirmation considérant les possibilités qu’avait le Colonel Elias. Qu’elles avaient été ses possibilités d’opposer une décision prise par la hiérarchie militaire ; alors qu’il avait déjà fait deux ans à Bukavu. Avait-il des militaires pour engager une confrontation ? NON. On aurait cru à de telles tromperies si une machination l’avait emporté durant une possible arrestation. Bizarrement, il tomba sous les tirs d’assaillants, pendant la nuit et alors qu’aucune indication n’ait exprimé son refus de comparaitre.

Socialement, ce Colonel appartenait à la communauté Banyamulenge. Y’a-t-il des raisons pour que son assassinat inquiète toute sa communauté ? Même la Société Civile de Bukavu émet de doutes sur la sécurisation de la Province. Pour mieux comprendre cet aspect saisi dans certaines opinions comme extinction des officiers militaires Banyamulenge, en voici quelques éléments de réponse.

  1. Plan d’Extinction d’Officiers Banyamulenge ?

L’assassinat du Colonel Elias a accentué ce climat de morosité et d’inquiétude dominant actuellement chez le Banyamulenge. L’opinion dans cette communauté est presque toute préoccupée par ce énième assassinat qui s’ajoute à d’autres qui n’ont encore pas été éclaircis. Les militaires Banyamulenge sont-ils les seuls à avoir été victimes de tueries non élucidées ? La réponse à cette question exige d’entrer en profondeur de la crise de la RDC en général, mais aussi de l’Est du Congo en particulier. En dehors du contexte de guerres qu’a connu notre pays, les assassinats d’officiers supérieurs sont d’ailleurs les moins fréquents au sein des FARDC. Toutefois, quelques cas dans le Sud-Kivu  et particulièrement dans la Plaine de Rusizi sont à retenir. A tous ces assassinats s’ajoutent le climat prévalant dans Salamabila-Kilembwe-Misisi-Ndanji.

Le lecteur bien informé se rappellerait de la mort du feu Commandant Kagigi Robert Semuraha qui ait lieu dans les environs de Bukavu en Octobre 2009. Alors qu’il était invité par sa hiérarchie militaire, il succomba dans les mains de tueurs qui avaient nommément cité son nom avant de l’abattre. Ses tueurs étant en uniformes bien connus et positionnés sur une barrière militaire apparemment bien établie, il fut assassiné entre Nyangezi et Bukavu. Ces tueurs qui semblaient viser cet officier supérieur, avaient intercepté le véhicule qui le transportait ; armes pointues, ils ont demandé où se trouvaient le Commandant Kagigi. Le temps qu’il pouvait se sauver à partir de la cabine du véhicule, de dizaines de balles ont été tirées sur lui ainsi que ses gardes du corps.

Major Kagigi
Le Feu Commandant Kagigi Robert Semuraha, photo Journal Minembwe

En date du 16/07/2011 et 18/03/2014, deux colonels Banyamulenge avaient été assassinés dans les circonstances presque similaires à Bwegera-Mutarule. Il s’agit du Tambwe Serukiza et Colonel Gatoki qui ont été assassinés dans la plaine de Rusizi par les hommes en armes à identité non encore connue. Parmi les hypothèses dont se font plusieurs observateurs qui connaissent la zone, on a soupçonné des Mayi Mayi qui opéraient dans la région. Toutefois, les circonstances de leurs assassinats font craindre qu’il s’agirait de personnes « collègues » qui œuvraient pour les comptes de personnes dont on suspecterait difficilement. Et d’ailleurs, certaines indiscrétions pensent que ces assassinats s’inscrivent dans la dissimilation de précédents faits similaires. Les tueurs n’ont pas de clans, tribus ni communautés ; ils sont ces méchants qui profitent du climat de manque d’état de droit.

La manière dont ils avaient été filés pour que leurs tueurs sachent exactement les lieux où ils se trouvaient au moment de leurs assassinats reste un mystère. Ces deux assassinats ont bouleversé l’opinion Banyamulenge car visaient d’officiers supérieurs « dispos/réserves ». C’est-à-dire qu’ils attendaient un déploiement militaire. Les efforts fournis pour déterminer les conditions de leurs assassinats ne rassurent pas non plus. Aucune enquête fiable n’a été menée pour éclairer les proches, amis ainsi que leurs collègues de service. La mort du Feu Elias Byinshi est conçue comme un énième de trop dont les circonstances doivent impérativement être éclaircies. C’est dans le souci d’éviter que l’impunité ne se transforme en règlements de comptes.

  1. Salamabila-Kilembwe-Nganji : Triangle de Mort visant Banyamulenge ?

A ces morts d’officiers supérieurs s’ajoute le climat qui prévale ces dernières semaines à Salamabila, Kilembwe, Misisi et Nganji. Ces contrées se situent dans le Sud de la Province du Sud-Kivu vers la frontière du Katanga et Maniema. De Zones de transhumance pour ce peuple pasteurs ; mais aussi Salamabila est un centre constituant le marché de leurs bétails.

Les discours venimeux du Lieutenant General Sikatenda Shabani, auraient attisé la haine ainsi que le climat de suspicion. Les conséquences de ces discours qui ravivent les tensions inter-communautés ont endeuillé cette contrée du pays sans que la solution y soit rapidement trouvée. On a déjà enregistré à peu près de dizaine de morts, un millier de blessés ainsi que de biens innombrables emportés. Depuis que plus de 160 vaches aient été égorgées à Salamabila, la même situation ne cesse de se répéter à Nganji-Lulimba et ses environs. Ces deux dernières semaines, on a enregistré 3 morts, une dizaine de blessés et plus de 300 vaches ont été emportées par de soi-disant Mayi Mayi opérant dans la région.

Dans ce contexte où les personnes périssent à Beni, ces dizaines de morts, blessés ainsi que les vaches emportées n’attirent pas d’attention des Médias internationaux. Dans ce contexte spécifique, la protection des biens ainsi que la notion de la propriété privée ne sont pas garanties, pour ne pas dire qu’elles ne sont pas juridiquement bien encadrées. Ça prend une tournure un peu comique quand il s’agit des vaches Banyamulenge.

Curieusement, on nous rapportant que certains officiers de l’armée à Fizi-Lulimba avaient affirmé que les vaches Banyamulenge font partie d’une histoire qui ne leur concerne pas. Devant une parade militaire, un officier avouant qu’il ne fera plus aucun déplacement ni autorise les militaires à poursuivre les vaches emportées par les Mayi Mayi. Comme celui qui dirait que ces éleveurs, devant la menace de miliciens, doivent trouver leurs propres solutions. Et d’ailleurs, l’autre aurait révélé que le milicien Yakutumba a attesté, durant un échange téléphonique, que les attaques de ce dernier ne visent que de militaires « Banyarwanda » œuvrant au sein des FARDC. Etonnement, certains de ces officiers supérieurs de force de l’ordre sont cités dans les manœuvres du Lt Gen Sikatenda. D’indices soupçonneraient que l’un de ces officiers a décidé de rejoindre un « maquis » ? A vérifier.

Il s’agit d’un langage codé affirmant qu’une connivence peut s’établir entre certains éléments/officiers FARDC avec les miliciens ethniques. Ceux qui sont dits « Banyarwanda » seraient plutôt de ces éléments (militaires FARDC) qu’une partie de l’opinion nationale considère comme des étrangers au solde de…. Bien que cela se situe sur une échelle moins importante, de tels comportements au sein de l’armée nationale ne sont pas rassurants et nécessitent un suivi de la part de la haute hiérarchie militaire.

  1. Conclusion

« Toutes les vérités ne sont pas à dire », dit-on. Toutefois, une société en déchirure doit chercher à trouver une ‘reconstruction d’âmes et d’esprits’ pas seulement à travers la « Parole Divine » mais en exposant ces réalités qui fâchent. Ce sont seules ces vérités qui feraient que nous tirions de leçons du passé pour mieux préparer l’avenir. Au risque de se faire tirer dessus, la lâcheté nous impose de fois à nous taire alors que nos esprits et convictions restent dans les tourments. Alors, pourquoi ne pas prendre ce risque ?

Nous sommes dans un contexte socio-culturel fragile couplé par les incertitudes électorales. Le bloggeur croit fermement que les questions liées à la justice et réhabilitation des victimes ne peuvent jamais se dissiper en fonction de la longueur du temps. Nous devons les affronter avec force en vue d’y trouver de solutions adéquates. Qu’elle provienne des représailles, des manœuvres de dissimuler les responsabilités ou autres motivations, la mort du Feu Colonel Elias ne donnerait une solution durable aux problèmes de la Plaine de Rusizi. Elle ne le sera moins pas pour rendre justice aux victimes de Mutarule.

Pour ce faire, le bloggeur exige que d’éclaircissements soient impérativement trouvés en ce qui concerne les mobiles et auteurs de cet assassinat. Ces auteurs doivent impérativement être traduits en justice. Au même moment, toutes les pistes brouillées par cet assassinat doiventt être recouvertes afin de rendre justice aux victimes de Mutarule. Ce massacre a été commis dans un contexte d’impunité qui exige que toutes les victimes d’atrocités perpétrées dans la Plaine de Rusizi soient réhabilitées. Des mesures de protection de personnes et de leurs biens sans distinction doivent être trouvées pour éviter de sombrer dans les mêmes erreurs. Il y a lieu de penser aux solutions et politiques adaptées en vue de renforcer la stabilité de tout l’Est du Congo.

 

NTANYOMA R. Delphin

Secrétaire Exécutif & Coordonnateur

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